Éphémère

Un éclair zèbre le ciel, illuminant un instant le sol devant moi. Le tonnerre m’extirpe de mes pensées confuses et c’est à ce moment que je réalise qu’il pleut. Je ne prends pas la peine de mettre mon capuchon; mes cheveux sont déjà trempés. La pluie transperce mes vêtements et dégoûte le long de mon visage, mais je ne m’en préoccupe pas. La tempête fait rage comme dans mon cœur meurtri et je presse le pas. Je parcours les derniers mètres me séparant de mon refuge à la course. Au moment où je franchis le seuil, la douleur l’emporte. Elle me cloue contre la porte, infâme, sans pitié. Je succombe, me laisse glisser contre la surface froide, la réalité me frappant de plein fouet. Vaincue, les jambes repliées contre ma poitrine, le visage enfoui dans mes bras, je tente de reprendre possession de mes moyens. Il m’avait promis de rester.

Les minutes passent et je m’apaise tranquillement. Chancelante, je me lève avec peine. Je cherche à voir l’heure; j’allume mon téléphone et me trouve face à son visage. Ses yeux azur me fixent d’une bouleversante douceur. Déroutée, mes jambes se dérobent sous moi et je m’effondre à nouveau. Les souvenirs de cette journée me reviennent en tête, de même que chaque moment passé en sa compagnie. L’angoisse monte en moi, mon cœur se débat dans ma poitrine frêle. Dehors, le vent se déchaîne et je sens le besoin de faire de même. L’amertume m’enflamme ; je hurle de rage, de désespoir, d’impuissance. Je me perds dans un tumulte d’émotions m’envahissant toutes en même temps. Je suis échouée, brisée, anéantie. Il était mon sauveur, mon ange gardien tombé du ciel. Il était celui auquel je m’accrochais, et c’est ainsi qu’il m’abandonne.  Je veux me réfugier entre ses bras, mais c’est un réconfort dont il m’a privé à jamais.

Ma détresse a réveillé mon chien, qui tente d’apaiser mes pleurs. D’une main tremblante, je le caresse du bout des doigts. De l’autre, j’effleure ma joue, non pas pour essuyer les larmes s’y accumulant, mais pour m’assurer que j’existe bel et bien. Je refuse cette réalité, ce cauchemar éveillé. Mon doigt taché de mascara glisse sur mes lèvres avides de ses baisers. Plus jamais je ne pourrais goûter son âme. Tout me manque de lui. Ses cheveux en bataille. Son nez retroussé. Ses joues creuses. Sa nuque jadis droite.

Je n’ai pas su être digne de lui. Je n’ai pas su déceler sa mélancolie au travers de son bonheur illusoire.  Je croyais dur comme fer au tissu de mensonges avec lequel il pansait ses blessures. Près de sa flamme éteinte, un mot gribouillé. Il ne voulait pas m’infliger la souffrance d’aimer celui n’éprouvant que haine pour l’humanité toute entière. Ses démons avaient gagné : la vie n’était que futile et éphémère.

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