ENSEIGNANTS ESSOUFFLÉS DANS UN SYSTÈME SOUS RESPIRATEUR ARTIFICIEL

Par : Sara Abi Hanna

Ce texte a été écrit au printemps 2020 pour la Revue Bio. Il est encore d’actualité sachant que l’année scolaire 2021 est confrontée à différents défis, dont la pénurie des enseignants qui s’est amplifiée avec la pandémie de coronavirus.

« Ma fille ne veut pas aller à l’école le matin, elle pleure », dit Mélissa Després, à Dominique Scali, journaliste au Journal de Montréal, à propos de sa petite Layla, 6 ans, qui fréquente l’établissement scolaire Armand-Lavergne.

Layla Travers Després a 6 ans, et comme beaucoup d’autres jeunes élèves québécois, elle subit les conséquences immédiates de la pénurie d’enseignants sur son parcours éducatif. Au début de la rentrée scolaire 2019, selon le Journal de Montréal, plus de 260 postes d’enseignants n’étaient toujours pas pourvus sur l’ensemble de l’île de Montréal.

Les faits sont préoccupants : 25 % des enseignants quittent la profession au cours des cinq premières années de leur pratique. Ainsi, la question se pose : pourquoi un professeur sur quatre décide-t-il d’abandonner son métier en début de carrière après avoir fini un parcours universitaire de plus de quatre ans ?  Ce chiffre est encore plus alarmant sachant que le système actuel est déjà sous respirateur artificiel concernant la pénurie de personnel.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes, un sur quatre décide de partir, car malgré tous ces efforts, l’épuisement professionnel demeure un enjeu majeur. Selon une étude de la Fédération Autonome de l’Enseignement (FAE), plus de 50 % des enseignants présenteraient des symptômes d’épuisement professionnel. 

Les enseignants du Québec exercent un métier exigeant, mais qu’ils pratiquent avec passion. Par contre, celle-ci est mise à rude épreuve lorsque vient le temps d’analyser les conditions de travail sur le terrain.

Dans les faits, depuis des années, les enseignants sont de moins en moins supportés par l’État. Cette profession comporte de nombreux avantages sociaux, mais avec les années qui passent, ils ne sont plus ce qu’ils étaient. Les enseignants sont souvent critiqués lorsqu’ils dénoncent leurs conditions, puisque « leur job est assurée à vie ». Toutefois, cette sécurité d’emploi est de moins en moins assurée ; elle ne s’obtient pas de facto avec une embauche. Selon la Fédération autonome de l’enseignement (FAE), 42 % des membres du personnel enseignant ont actuellement un statut précaire comparativement à un taux de précarité de 33 % en 1997.

Cela s’explique par le fait que plusieurs éducateurs accumulent maintenant des contrats à temps partiel, de suppléance ou de leçons. Il ne faut pas oublier qu’un enseignant va devoir attendre de nombreuses années avant d’obtenir un contrat à temps plein qui le guidera vers une permanence.

Penchons-nous maintenant sur le salaire des enseignants, sujet souvent débattu dans la presse ces derniers temps. Sur les onze provinces canadiennes, le Québec est la onzième province, soit la dernière, en matière de rémunération des enseignants du primaire et du secondaire, selon Statistique Canada. Le journal La Presse a partagé ces données : pour l’année scolaire 2017-2018, le salaire en début de carrière au Québec atteignait 44 368 $, comparativement à 52 814 $ en Ontario et à 51 798 $ au Nouveau-Brunswick. L’argent n’est pas la solution miracle, mais un meilleur salaire permettrait de valoriser ce métier et de résorber la pénurie d’enseignants que l’on connait actuellement.

Enfin, l’article « Classe cherche prof depuis deux mois » de la journaliste de La Presse Isabelle Ducas décrit les effets de la pénurie d’enseignants dans les écoles du Québec, plus particulièrement à la CSDM (Commission scolaire de Montréal). C’est un cri du cœur lancé par les parents et les enfants. Raphaël Chaput-Lemire, 10 ans, s’exprime sur ce que ses camarades et lui ressentent depuis qu’ils n’ont pas de professeurs :« On est comme des chiens errants qui ne trouvent pas leur maître. »

Le garçon est loin d’être seul, puisqu’à la CSDM, plus de 28 autres classes sont dans la même situation. Les parents sont désespérés face à un système d’éducation qui retarde les écoliers dans leur cheminement scolaire.

Le constat de notre combat commun se fera sur la place publique : avons-nous enfreint les droits fondamentaux d’enfants comme Raphaël ou avons-nous agi pour les défendre ?

Un examen de conscience collective est nécessaire avant qu’il ne soit trop tard, afin de permettre à Raphaël et aux étudiants québécois d’avoir un enseignement de qualité et un professeur présent dans leur parcours.

Faisons de Raphaël notre priorité. Faisons de chaque enfant notre priorité.

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