Conflit identitaire

Par Kheira Trabelsi

Je me souviendrai toujours de ce jour où en classe de français au secondaire, j’ai voulu citer un poète peu connu, d’origine arabe, pour clôturer mon texte argumentatif et que mon enseignante me l’a interdit : « Cherche plutôt auprès des grands poètes occidentaux », m’avait-elle dit.  Docile et timide, j’ai suivi aveuglément son conseil, sans trop me poser de questions. Ce cas n’est qu’un parmi tant d’autres. J’ai ouvert les yeux et j’ai commencé à réfléchir au fait de réduire en silence mes envies, ma culture ou celle d’autrui, car celle-ci est jugée ne pas être assez « légitime » aux yeux du système éducatif québécois. Ma culture n’avait pas le même poids, la même crédibilité, le même respect que celle que l’on propage au sein des établissements. Bourdieu avait bien raison, l’espace culturel se résume bel et bien à des rapports de forces.  La culture occidentale, celle qui domine cet espace, se trouve à être enracinée dans nos pensées, nos interactions, nos mœurs, etc. En procédant de cette manière, la société nous homogénéise et des conflits intérieurs naissent.  Des conflits de nature identitaire. Un marqueur important de l’identité sociale de chacun d’entre nous est justement nos goûts personnels, nos pratiques culturelles distinctes, mais par l’implantation d’une seule culture dominante, nous sommes contraints à nous définir par un seul et même modèle de réflexion, partager une seule et même sphère d’activités, etc. Rien ne nous est particulier. Notre quintessence n’est plus teintée par conséquent de marqueurs sociaux, ceux qui nous distingue. Ainsi lire autre chose que de la littérature classique ne fait pas de moi une lectrice légitime, aimer autre chose que la musique classique ne fait pas de moi une passionnée de musique, etc. Mon profil culturel n’a pas sa place au sein de ces établissements. Il provoque trop de dissonances. Je parle de moi, mais malheureusement, c’est le cas de tous les immigrants établis sur une nouvelle terre d’accueil qui ne s’associent pas forcément à l’univers culturel occidental des sociétés modernes. Constamment tiraillés entre notre culture d’origine, pas assez légitime, et celle que l’on essaye d’adopter pour se fondre dans le décor et garder un siège dans les bancs d’école.

Peut- être que nous ne sommes ni d’ici, ni d’ailleurs.

Recommandation d’ouvrage relatifs :

  • Illégitimes – Nesrine Slaoui
  • La Distinction – Pierre Bourdieu
  • La culture des individus – Bernard Lahire

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